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8.3. Presse écrite, le défi du numérique

Avec l’arrivée de l’Internet sur le terrain de l’information, la presse traditionnelle est confrontée, notamment en France, à une remise en question de ses modes de production et de fonctionnement. Un rapport commandé par les pouvoirs publics français exhorte les journaux à réagir rapidement.

Bon nombre d’observateurs, en France ou dans le monde, estiment que le déclin des journaux est inéluctable et que ceux-ci ne tarderont pas à disparaître complètement... Marc Tessier, ancien directeur du groupe audiovisuel public France Télévisions, est moins pessimiste. Dans le rapport qu’il a écrit avec Maxime Baffert (inspecteur des finances) en février 2007, pour le compte du ministère de la Culture et de la Communication, il analyse la situation de la presse quotidienne d’actualité а l’ère du numérique, en lançant des pistes de réflexion et d’action.

Il part du constat suivant: «L’irruption des technologies numériques est en passe de bouleverser non seulement l’économie des médias traditionnels, mais aussi leurs modes d’organisation, leurs structures et leurs contenus». Pour lui, «la presse doit disposer d’une capacité d’adaptation permanente dans un environnement de concurrence qui se renouvelle sans cesse. Il n’est pas exagéré de parler désormais d’une période de refondation de la presse».

En effet, si les médias numériques ne se sont jamais aussi bien portés que depuis l’explosion de l’Internet haut débit, le secteur de la presse, notamment quotidienne, et en particulier nationale, fait grise mine en France: les baisses de la diffusion et de l’audience se poursuivent, les ressources publicitaires stagnent, se tournant vers de nouveaux médias comme les sites Internet, le nombre de points de vente recule. Le numérique agit comme «catalyseur de changements et révélateur des faiblesses de la presse», indique le rapport.

De nouveaux producteurs d’information

Avec la multiplication des blogs (sites personnels interactifs), des podcasts (qui permettent de télécharger directement sur un baladeur des fichiers multimédia audio et vidéo), des contenus collaboratifs (comme l’encyclopédie Wikipédia, alimentée par les internautes, voir Label France № 67) ou encore des sites d’actualité accessibles uniquement sur Internet, la presse a perdu son monopole de l’information. De plus, elle n’a pas encore trouvé de modèle économique pérenne dans ce nouvel univers de l’information «gratuite» et permanente.

«La presse doit relever le défi du numérique» avant qu’il ne soit trop tard, alertent les auteurs du rapport, si elle veut préserver les exigences du métier de journaliste en matière de déontologie et de traitement de l’information (vérification des sources, hiérarchie des sujets, mise en perspective...). Comment? En intégrant des contenus multimédia, en permettant une participation plus active des internautes, comme sur madepeche.com, le site de La Dépêche du Midi. Bref, en dépassant l’ère des «sites compagnons», copiés-collés de la version papier. Le quotidien Le Monde l’a bien compris: la reprise du journal papier ne représentait plus que 10 % du contenu total du site en décembre 2006, contre près de 30 % au début de l’année.

Dans cette perspective, le rapport préconise un soutien de l’État aux entreprises de presse, l’adaptation du cadre légal et fiscal aux nouvelles pratiques, et s’interroge sur la mise en place d’un label des sites d’information qui répondraient à certaines normes. N’oublions pas que les sites de presse représentent 50 % de l’audience, en visiteurs uniques, des sites d’information en France. Le site du Monde dépasse même les puissants diffuseurs d’informations que sont les moteurs de recherche franзais et américain, Yahoo et Google Actualités.

Avec le numérique, conclut le rapport, «la presse écrite tient là un moyen de se réinventer et un nouveau relais de croissance et de développement, pourvu qu’elle saisisse les opportunités et qu’elle en ait les moyens».

Olivia Marsaud, journaliste

Entretien avec Dao Nguyen directrice générale du Monde Interactif

«L’imprimé a encore un bel avenir» 

Premier site d’information français, lemonde.fr attirait quelque 9 millions de visiteurs en mai 2007 et 90 000 abonnés. Une rédaction autonome de 35 personnes y travaille.

Quelle est la valeur ajoutée du monde.fr par rapport à l’édition papier?

Dao Nguyen: D’offrir l’actualité en continu tout au long de la journée et de s’appuyer sur un langage multimédia: l’information est traitée à travers des articles écrits, des photos, mais aussi des vidéos, des enregistrements ou des infographies animées. Internet favorise également le développement de l’interactivité et donne accès à vingt ans d’archives du journal, soit plus d’un million d’articles à consulter en ligne. Le site permet au journal de toucher une audience plus large: 30 % des internautes qui le consultent habitent hors de France, et 60 % de ceux qui le consultent depuis la France ont moins de trente-cinq ans. Le site sert à maintenir le lien avec la «marque» Le Monde, mais aussi à le créer.

Pensez-vous que les journaux sont, à terme, amenés à passer au «tout-numérique»?

Les journaux imprimés ont encore un bel avenir devant eux! Internet est le média de la réactivité mais l’imprimé garde sa place de média d’analyse, en s’appuyant sur de nombreux avantages: lisibilité, facilité à le partager, grand format, habitudes de lecture bien ancrées...

Propos recueillis par Olivia Marsaud

Label France. 2007. № 68