logo
metodichka4_1

1.3. De la galère en milieu étudiant

Guewen, Vanessa. Sandra, Guillaume et Aurore jonglent tout au long de l’année avec les heures de cours et les horaires de travail La plupart du temps, je travaille dans un élevage de dindes: je ramasse les oeufs, je fais l’insémination des dindes. Tous les étés, Guewen, étudiant en histoire à l’université d’Angers, se trouve un petit boulot pour compléter la bourse et les allocations logement dont il bénéficie pendant l’année. Télémarketing, encadrement de colonie, caisse de supermarché, etc.: pour de nombreux étudiants, l’été permet de gagner deux ou trois SMIC qui constitueront des réserves pour l’année universitaire. «Au mois de septembre, j’ai travaillé comme secrétaire, raconte Vanessa, en master de sciences politiques à Nanterre. Quand j’ai accepté ce contrat, je ne savais pas que j’aurai des examens de rattrapage à passer. Je n’ai pas pu négocier de jours d’absence et ne me suis pas présentée aux épreuves. J’ai hésité à rompre mon contrat finalement, je suis restée travailler, ce qui me permettra cette année de me concentrer sur les cours». Elle a néanmoins gardé un job d’enquêtrice à 16 heures par semaine, pour compléter ses revenus.

Actuellement en deuxième année de licence de lettres, Sandra ne bénéficie pas d’une bourse; elle reçoit chaque mois environ 70 euros de son père et 100 euros de sa mère, qui l’aide aussi à rembourser l’emprunt qu’elle a fait. C’est insuffisant pour couvrir les frais qu’elle a engagés en partant de chez ses parents pour pouvoir suivie les cours à l’université de Brest. «A la rentrée, j’ai déjа dépensé 200 euros rien qu’en livres et je n’ ai pas encore acheté tous ceux du second semestre, explique-t-elle. Et comme j’habite à 35 kilomètres de Brest, j’ai dû m’acheter une voiture». Même si, pour aller en cours, Sandra continue de prendre le bus. «Cela me coûte 30 euros par mois alors que l’essence me reviendrait à 50 euros par semaine. Mais il y a la fatigue en plus: j’ai une heure et quart de trajet pour arriver à la fac et je dois souvent me lever vers 5 h 30 du matin».

Obligée de travailler tout au long de l’année, Sandra a postulé l’an dernier au magasin de vêtements Kiabi. «Ils proposaient des contrat étudiants à durée indéterminée qui prévoient un minimum de 600 heures annuelles. On donne notre emploi du temps et on nous fait travailler dès qu’on n’a pas cours. Si je finissais la fac à 17 h 30, à 18 heures j’étais au magasin. Et comme c’est fermé le dimanche, il fallait bien caser le maximum d’heures pendant la semaine. En période d’examens, j’ai pu m’arrêter pour miser. Bien sûr, ce mois je n’ai gagné que 150 euros».

Cette année, Sandra travaille dans une boulangerie, du vendredi au dimanche, et arrive à gagner 500 euros par mois. «J’habitais à trois quarts d’heure de route du magasin Kiabi, ça coûtait trop cher en essence. Là je ne suis qu’à une douzaine de kilomètres, et j’ai la semaine pour m’organiser avec mes cours».

Travailler le week-end, c’est aussi la solution qu’a choisie Guillaume, étudiant en master 1 de droit à l’université de Versailles. «Je travaille tous les samedis dans un petit supermarché où je suis à temps plein pendant l’été. C’est un boulot très chouette, convivial. Pendant un an, j’ai livré des pizzas tous les soirs de 18 à 22 heures: une vraie galère. Le point de référence de la journée ce n’était plus les cours, mais les heures de boulot. D’ailleurs cette année-là, j’ai redoublé».

Dès que les horaires de travail sont trop lourds ou inadaptés, ils ont tendance à prendre le pas sur les études. C’est le cas d’Aurore qui, après avoir été aide à domicile chez une personne handicapée, a travaillé l’an dernier comme aide-soignante. «Je faisais des vacations de nuit; du coup je rentrais а 8 heures du matin et bien souvent je n’avais pas le courage d’aller en cours. Mais cela me rapportait jusqu’à 1 000 euros par mois. Il y a d’importantes dépenses quand on vit seul. Je vais devoir trouver de quoi payer ma taxe d’habitation, près de 400 euros cette année», raconte cette étudiante qui redouble sa troisième année de licence de psychologie à Nanterre.

A la rentrée, elle a trouvé un emploi de secrétaire médicale, mais les deux heures de trajet nécessaires l’ont poussée à démissionner. «En pub; je travaillais de 16 heures et 20 heures ce qui m’obligeait à n’aller en cours que le marin. Certes, les étudiants salariés sont dispensés de TD, mais il faut bien les récupérer car les examens portent quand même dessus. Avant, je déterminais mon emploi du temps par rapport au travail; là, j’ai mis la priorité sur mes études». Du coup, Aurore s’apprête à bosser au MacDo. «Je viens juste d’avoir une réponse positive. J’étais dans l’urgence et c’est ce qui est le plus souple. J’ai 20 heures de cours par semaine: je leur ai dit que j’étais disponible le soir jusqu’à minuit, le vendredi et le samedi». Une organisation qui pourrait être compliquée lorsque viendra la période des stages. «C’est important d’en faire car il y a une sélection importante à l’entrée en Master 2 et ensuite sur le marché du travail. De toute faзon, c’est en partie imposé par le cursus. Mais comment faire quand l’été est d’habitude consacré à gagner de l’argent?», s’interroge Aurore.

Le Monde Campus. 2007. № 19