7.2. Entretien avec Catherine Colonna
La ministre déléguée aux Affaires européennes et secrétaire générale pour la coopération franco-allemande.
«Pour réussir, l’Europe doit davantage jouer en équipe»
А l’heure de l’élargissement à 27 et dans le contexte de la mondialisation, quelle doit être l’ambition de l’Union européenne? La ministre Française déléguée aux Affaires européennes appelle à un nouvel élan politique. Que doit faire la France aujourd’hui pour l’Europe?
Catherine Colonna: D’abord, des choses concrètes. Ce que les citoyens attendent, ce sont des résultats dans leurs principaux domaines de préoccupation. Quels sont-ils? C’est l’emploi, la croissance, la sécurité. L’Europe s’efforce de répondre à ces enjeux: elle a développé de nouveaux projets, augmenté les budgets pour la recherche, et, en matière d’éducation, elle a doublé les bourses pour les étudiants. Elle fait donc des choses, mais je crois qu’il faudra un sursaut, une volonté politique plus grande qu’aujourd’hui, et puis, en réalité, une mutation du projet européen. Nous devons «allumer les moteurs» et y aller résolument! L’Europe est un formidable réservoir de croissance dans la mondialisation. L’Union doit maintenant se placer à l’avant-garde de la mondialisation à venir.
Comment est-ce possible dans un contexte où chaque pays veut défendre son intérêt national?
C’est l’intérêt collectif européen qui doit primer. Je veux le dire clairement: aujourd’hui, seule l’Europe est en mesure de répondre à notre désir de concilier nos valeurs et notre désir d’actions sociale et économique. Ni le marché à l’état pur, ni les Etats isolés ne seront en mesure de réaliser cette synthèse. Cette ambition d’avenir, faire de l’Europe «l’acteur global» qui nous redonne fierté et courage, qui nous aide et qui nous porte, c’est aux États membres de l’Union de l’incarner.
Je crois que l’Europe doit s’occuper moins des petites choses et davantage des grandes, comme des migrations en provenance des pays du Sud, de mettre sur pied une véritable coordination des politiques économiques, ou encore de lancer une authentique politique européenne de l’énergie, cruciale pour notre indépendance. Pour tout cela, il faut être capable de s’entraider entre Européens de façon organisée, coordonnée. Pour gagner et réussir la mondialisation, l’Europe doit davantage jouer en équipe.
Un an et demi après le non au référendum français du 29 mai 2005 sur le projet de traité constitutionnel européen, l’Europe a-t-elle les moyens institutionnels de relever le défi de la mondialisation?
Je crois que l’Europe ne va pas si mal: elle n’est pas en crise ouverte, elle fonctionne. Elle a des institutions, des politiques communes, un budget. C’est la grandeur de l’Europe d’avoir su bâtir une vraie démocratie européenne: il y a la Commission, qui est l’expression de l’intérêt général européen, le Conseil, qui représente les gouvernements de 27 Etats, et le Parlement, qui représente les citoyens. L’Europe est vraiment démocratique, elle doit être plus efficace. Le processus de décision, par exemple, est trop long. Il faut souvent plusieurs années pour adopter un texte. Aujourd’hui, le monde change vite, la croissance internationale est de 5 %. А nous d’en exploiter toutes les opportunités grâce à l’Europe. Face aux pays émergents, au changement climatique, aux mouvements de population, les défis à relever sont nombreux et nouveaux. L’Europe est la meilleure réponse, mais nous devons aller plus vite.
Propos recueillis par Label France. 2005. № 4
Les français et l’Europe
Appelés à se prononcer sur la ratification du Traité constitutionnel européen le 29 mai 2005, les français ont répondu en majorité «non». Est-ce à dire pour autant que ces derniers sont massivement hostiles à la construction européenne?
Bien des sondages prouvent le contraire. Selon l’étude Eurobaromètre, réalisée en France par la Représentation de la Commission européenne et publiée le 15 mars 2006 60 % des citoyens disent se sentir à la fois français et européen.
Pour deux français sur trois, les pays de l’Union possèdent des valeurs communes qui les distinguent du reste du monde. Pour 79 % d’entre eux, la construction européenne permet de garantir la paix, et pour 75 % elle les rend plus forts face au reste du monde. Pour une grande majorité de français, l’action de l’Union européenne est positive dans les domaines de la sécurité aérienne, de l’environnement ou de la formation des jeunes, tandis que la coopération entre États membres peut résoudre les problèmes en matière de recherche et d’innovation technologiques, de lutte contre le terrorisme, d’aide aux pays pauvres, de politique étrangère et de défense, ou de lutte contre l’immigration clandestine.
En revanche, c’est à plus de 80 % que les français estiment la construction européenne trop éloignée des préoccupations des citoyens, ou qu’ils ne se sentent pas assez associés aux décisions de l’Union.
Label France. 2007. № 65
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